Vu les annonces de Météo France qui pronostiquaient pour la nuit dernière des températures tombant à -3, voire -5 degrés, voire même plus en certains endroits, les arboriculteurs et les viticulteurs qui œuvrent tout au long de la Vallée du Rhône craignaient le pire.

Et c’est bien ce qui est arrivé. “ C’est la catastrophe ! “ : les arboriculteurs de la Vallée, les plus touchés, n’ont pu lutter face aux fortes gelées qui ont duré longtemps et ont touché leurs vergers, dans la nuit de mercredi à jeudi, avec des pertes considérables à la clef.

La plupart ont utilisé les moyens mis à leur disposition : ballots de paille pour certains, braseros, pour d’autres, bougies chauffantes, etc. ; ce qui a d’ailleurs provoqué un épisode de pollution aux particules fines dans la Vallée et alentours, mais dans beaucoup d’endroits, c’est le gel qui l’a emporté.

La directrice de l’Observatoire de l’air, Marie-Blanche Personnaz, a estimé de son côté que les agriculteurs étaient « tout à fait dans leur droit » en allumant ces feux, souvent de blocs de paraffine, mais aussi d’autres matières combustibles.

Les dégâts sont encore difficiles à chiffrer mais les premières remontées de terrain laissent craindre le pire. Selon certains arboriculteurs en activité à cette époque, cette nuit leur rappelle même le gel catastrophique… d’avril 1976.

Les dégâts ont été plus importants pour les arboriculteurs, dont les productions étaient plus avancées, que pour les viticulteurs. Mais ces derniers ont aussi été sévérement touchés.

Dans le Rhône et la Loire, « tous les secteurs sont touchés mais il est encore trop tôt pour mesurer les dégâts », commente Christophe Gratadour, conseiller arboriculture à la chambre d’agriculture. « Nous craignons particulièrement le risque d’arrêt de sève sur les arbres qui ont subi des variations de températures importantes en quelques jours ».

Il faut en effet se souvenir que fin mars, le thermomètre avait dépassé les 25 degrés dans plusieurs secteurs de ces deux départements.

Christophe Pichon : “ Je pense que l’on perdra près de 50 % de notre récolte”

Côté viticulture, toutes les AOC de la vallée du Rhône ont été touchées sans exception.

Christophe Pichon, le président de l’AOC Condrieu a fait un tour de ses parcelles ce matin : “j’en ai touchées à 10 %, d’autres à 70, 80 %. Il faudra attendre pour tirer un bilan, mais je pense que l’on perdra près de 50 % de notre récolte.”

Et d’ajouter : “Mais d’après les retours des viticulteurs de l’appellation, certains sont touchés à 20/25 %, d’autres c’est vrai à 80 % : c’est très compliqué dans les vignes, c’est très différent d’un arbre fruitier, le gel peut toucher différemment d’une parcelle à l’autre, voire même d’un cep à l’autre, cela dépend de beaucoup de paramètres.”

Et de conclure : “Le petit avantage que nous avons nous viticulteurs par rapport aux arboriculteurs, c’est que nous sommes en terrasses, ça protège plus que lorsqu’on est en plaine ou sur le plateau…”

Philippe Pellaton, président d’Inter-Rhône qui regroupe toutes les appellations des Côtes-du-Rhône est particulièrement inquiet des conséquences pour la récolte 2021, dans un contexte déjà rendu compliqué par la situation sanitaire : « Nous savons déjà que certains secteurs ont été touchés dans leur intégralité. Nous ne pourrons mesurer l’impact réel de cet épisode de gel que dans les prochaines 24 à 48 heures « .

Cette inquiétude est remontée jusqu’aux oreilles du président de Vienne Condrieu Agglomération.

“Notre territoire a connu la nuit dernière un épisode de gel rare pour cette saison”, déplore-t-il.

Aussi, après s’être entretenus au téléphone avec certains d’entre eux, Thierry Kovacs et Frédéric Belmonte, vice-président en charge de l’Agriculture, “ont demandé aux services de Vienne Condrieu Agglomération de prendre contact avec tous les agriculteurs du territoire pour évaluer les conséquences de cet épisode sur leurs activités en vue d’éventuelles décisions à prendre.”

Des conséquences qui assurément risquent d’être lourdes.

Photo: les feux allumés dans les vignes n’ont souvent pas suffi à lutter contre le gel, très intense.