MF Robot (music for robot), le nouveau projet porté par Jan Kincaid à la batterie (fondateur de The Brand New Heavies) et par la voix de la belle, si belle Dawn Joseph a joué en première partie du concert de Lenny Kravitz, vendredi 27 juillet à Vienne.

Ce groupe reste pour moi « la » découverte de l’été : huit musiciens, une osmose. Le mix d’une rythmique parfaitement maîtrisée et d’une voix délirante, qui déraille en fin de note, qui hurle avec justesse, qui vit profondément.

Un mélange de jazz, de funk, de soul et d’électro, qui fait groover les hanches, et balancer les bras.

Avec MF Robot les barrières musicales oscillent, les décennies se superposent, et on a l’impression le temps d’un instant, que Dawn Joseph sort tout droit d’une illustration du nouveau design du festival, merci Brüno pour ce coup de frais.

Alors on sait pas qui vous êtes. On sait pas ce que vous valez en studio et si ça se trouve c’est très décevant, lisse et attendu.

On sait pas si vous préférez la montagne à la mer, base de toute projection relationnelle, mais là ce soir on s’en fout. On vous rencontre et on aime ça.

On a besoin de rien d’autre que de t’avoir sur scène, que de ta voix, et de ton sourire si communicatif.

MF Robot je vous dis à très vite…

Quarante-cinq minutes de pause pour reprendre des forces, tenter de se rafraîchir dans cette soirée d’été si chaude en attendant la bête…tant mieux, nous en avons besoin.

Un verre d’eau, deux verres d’eau, trois verres d’eau, voilà les lumières qui s’éteignent.
Les cris puis le silence, le tremblement partout, l’euphorie qui grimpe dans le bas du dos…

Ce prédateur qui prend plaisir à exacerber l’attente…

Le voilà qui s’avance.

Lenny Kravitz est le seul homme sur terre capable de porter un slim de cuir noir et des talonnettes, sans provoquer instinctivement du dégoût.

Il grimpe sur l’estrade si haute derrière ses musiciens, laisse les hystériques se taire, un temps s’écoule où l’on se prépare « à tomber d’un gouffre ou d’un coup de foudre »…cela va commencer.

Il est ce prédateur sur le pas de porte, qui sait avoir l’ascendant donc qui n’est pas pressé, qui prend plaisir à exacerber l’attente…

Ça commence avec « Fly away ly away », suivi de « American Woman ». Décidement il n’a aucune envie qu’on respire. Face à 4700 personnes, le pluriartiste américain (chanteur, guitariste, batteur, amant) s’offre pour deux heures pleines de spectacle.

Il est accompagné de sept musiciens de génie, indispensables, et d’une estrade, dispensable.
Non non tu n’avais pas besoin d’elle pour prendre de la hauteur et surplomber nos corps.
Juste toi.

On dirait que je suis amoureux? Ça sonne comme si j’étais amoureux…  Mais t’as pas le choix avec lui ! T’as juste pas le choix !

« I belong to you, and you belong to me too »

J’ai dit plus tôt que Lenny s’offrait à nous, comme il est coutume de croire que l’artiste est au service de son public… j’ai menti.

Ici les rôles sont inversés, ou bien ils sont mis en évidence : c’est la foule qui s’offre à son artiste : danses !

Kravitz a une classe inimitable, une vraie gueule de panthère. Un rythme, une voix et une gratte perdu avec Hendrix ; 53 ans et le mec vous fait ça :

Il vous fait sortir de terre après avoir crevé une semaine sous les dossiers.

Il transpose la fosse dans les gradins, car cette nuit les deux espaces se sont confondus :
50 centimètres carrés pour conduire en dehors de vous, l’énergie excédentaire qu’il produit en vous.

Danser sur les gradins un pogo solitaire, partager sa sueur avec ses voisins qu’on ne regarde pas, qu’on a oublié, oblitéré par la bête.

Il réveille en vous -en deçà de vous- une énergie tirée de l’éclipse de lune, qui court sur la peau, qui impose le mouvement de l’épiderme : Lenny Kravitz c’est épidermique.

Energie brute, primaire, sensuelle, le titre de son nouvel album « Raise vibration » prend sens ici.

Ne plus se laisser abrutir par la chaleur, ne plus subir, du réveil au couché, un air poisseux qu’on ne supporte pas , mais suer activement.
Créer sa propre chaleur, créer son propre soleil, troubler les éléments et rêver d’une nuit qui ne finirait pas.

C’était le bordel c’était le feu.

Son bassiste, ses cuivres, son guitariste… c’est eux qui rajoutent un 0 à la jauge.
C’était le feu, c’était Kravitz.

On était 47 00(0) à brandir nos poings, comme lui. Incarnation du Black Power dans ce qu’il produit de meilleur : l’âme noire, le rythme noir, le soleil noir.

« I want that kind of sex, where breathing means fucking ».
C’est ça Kravitz, c’était ça l’ambiance.
C’est ce que vous avez raté ; c’est ce dont on ne se remettra pas…

Lazhar