Je vous ai déjà parlé de ma mère ici. Et là. Là je la cite pas mais c’est bien à elle que je pensais.

Eh bien la belle était avec moi jeudi soir, pour le concert de Francis Cabrel au théâtre antique, et elle m’a fait promettre de ne dire « que des choses gentilles pour son chouchou ».

Cabrel c’est le chouchou de ma mère, et à ce que j’en ai vu c’est sûrement celui de la tienne aussi.

Moi je n’ai jamais connu Cabrel. A la maison on écoutait plutôt les Stones ou les Clash le dimanche matin, très fort.

Plus récemment, la fameuse langue tirée a été remplacée par le dernier album de Dominique A… je ne sais pas si ça a été fait à dessein mais en tout cas j’ai définitivement emménagé à Lyon.

Cela pour dire que je n’avais pas particulièrement ma place au théâtre ce soir-là.

Non pas qu’elle m’ait été refusée- il n’y a aucun critère prédéfini pour pénétrer la communauté Cabrel- mais la fidélité palpable présente ce soir-là était proche de l’amitié. Et l’amitié ne s’arrache pas en deux heures de concert, elle se construit année après année.

Cabrel, c’est quarante et un an de chansons, deux fois ma vie.

Pour les 6 700 spectateurs réunis, il représente un ami de toujours, qu’on a écouté dans son 9m2 parisien pour oublier le bitume et la grisaille.

Comme si chacun retrouvait grâce à son accent du Sud-Ouest, un peu de son chez soi.

Cabrel, c’est un chic type, et ça se voit à son public.
Beaucoup de familles, de jeunes amoureux, et puis des vieux d’la veille qui chantent plus fort que les mioches, qui crient « sans la chemise ! » voir « à poil ! » pour les plus cavaliers d’entre eux.

Un public qui se fait chœur, qui chante toutes les paroles de toutes les chansons.

Apparemment plus lentes, plus douces que d’habitude, son show a évidemment fait l’unanimité : si puristes bornés il y avait, le (long) rappel offert n’a pas tardé à rattraper le rythme perdu.

Il était accompagné de trois chanteuses magnifiques, toute de bleu vêtues, et de musiciens formidables, nommés tour à tour, puis acclamés. Il était surtout accompagné de son musicien : le guitariste Freddy Coello. Freddy et son pas presque chaloupé, Freddy et ses improvisations qui effacent tout le reste.

Les deux copains ont bien tentés quelques pas de rock, rendus difficile par leur souplesse perdue, mais leur prestance était si grande qu’elle s’est occupée d’abolir le poids des années.
Cabrel c’est un patrimoine à lui tout seul, avec ou sans moustache.

On conjugue les verbes à l’indicatif pour lui, et on le ferait même aux subjonctifs s’il nous le demandait.

Je ne connaissais pas Cabrel, du moins pas vraiment : je me rends compte maintenant qu’on a tous déjà chanté, freudonné, voir murmuré « Petite Marie », « La dame de haute Savoie » ou « Corrida ».

Je ne l’avais juste jamais rencontré, et quel plus bel endroit pour une rencontre qu’un concert au théâtre antique.

Lazhar