S’il existe en France désormais une centaine de producteurs de whisky, dont le Nankasi qui produit ses brûlants nectars à Tarare dans le Rhône ; la France n’accueille sur son sol que deux producteurs de saké.

L’un d’entre eux (*) est installé dans la Loire, à Pélussin, la “capitale” du parc régional du Pilat.

Grégoire Bœuf, un passionné du Japon, qui en est à l’origine s’est voulu d’entrée extrêmement ambitieux, produisant son saké avec le matériel le plus moderne, mais en s’appuyant sur une méthode traditionnelle très longue et très complexe.

En seulement quatre ans, depuis 2017, date de sa première cuvée de saké, le succès est déjà là.

Sa brasserie artisanale de production de saké baptisé “Les larmes du Levant” sort quatre types très différents de saké pour un total de 18 000 bouteilles par an.

Preuve que ce choix de l’excellence a été couronné de succès : Grégoire Bœuf exporte une partie de son saké jusqu’au Japon “Une vraie reconnaissance !”, se félicite-t-il. Il est également présent sur les cartes des vins de plusieurs restaurants deux ou trois fois étoilés dont Matthieu Vianney de la “Mère Brazier” à Lyon ou encore, Troisgros à Roanne. “Les grands restaurants aiment le saké car il permet des alliances avec nombre de mets qui ne sont pas toujours possible avec le vin : nous avons construit notre gamme autour des accords saké/mets”.

Entre 13 et 17 degrés

Détruisons d’abord une image d’Epinal en France qui veut que le saké soit comme le whisky, le produit d’une distillation.

Absolument pas : il est en fait le fruit d’une fermentation alcoolique à la différence, là, que les raisins sont remplacés par du riz, un riz spécialement destiné à ce type de fabrication que Grégoire Bœuf importe du Japon. Ainsi, un saké ne titre guère plus qu’un vin, autour de 13 ou 17 degrés d’alcool.

Mais pourquoi s’être installé dans le parc du Pilat ? “Pour son eau, pure et très pauvre en minéraux, ce que demande un saké de qualité”, détaille Grégoire Bœuf.

Mais pour arriver à produire ce saké très haut-de-gamme, Grégoire Bœuf a effectué un stage d’une année au Japon chez un des maîtres du saké japonais qui lui a fait confiance et lui a transmis ses secrets, fruit de cinq générations de producteur de saké.

“L’aube”, “La vague” “le tonnerre”, “le vent”, les noms très poétiques des quatre types de saké produits à Pélussin dont les prix de vente oscillent entre 28 et 38 euros (prix lors d’un achat en ligne), sont issus d’un processus très complexe, riche d’une quinzaine d’étapes !

Le riz, en provenance donc du Japon doit d’abord être polis avec l’aide de machines spéciales que l’on ne trouve qu’au Japon pour que la couche d’amidon soit diminuée d’un pourcentage extrêmement précis, selon le saké que l’on veut produire.

Un saké “nature” dopé par l’eau du Pilat

De même, les levures utilisées pour la fermentation viennent aussi toutes du Japon.

On parle actuellement beaucoup en France des “vins natures”. On pourrai parler ici de “saké nature”.

“Nous ne produisons que des Junmai, des sakés contenant uniquement du riz, de l’eau et des levures, rien d’autre”, explique Grégoire Bœuf.

La durée de fermentation peut s’étaler jusqu’à 8 semaines.

“Notre parti pris et notre vision sont de toujours travailler dans le plus pur respect des techniques japonaises, en gardant toujours en tête « l’Esprit » et la mentalité attachés à ce savoir faire millénaire, tout en prenant soin de ne pas tomber dans la simple duplication” explique-t-il : une démarche qui lui a demandé beaucoup d’efforts, de recherches, mais désormais couronnée donc de succès.

Il ne vous reste désormais plus qu’à passer à la dégustation. Là encore la complexité domine car selon le type de saké, vous le boirez à une température située en 5 et…60 degrés.

Et là, une fois le saké en bouche vous pourrez découvrir ce que les Japonais appelle “l’umami”. Derrière ce drôle de nom japonais se cache un goût mystérieux, à distinguer du salé, du sucré, de l’acide et de l’amer. Une énigme pour nos palais occidentaux, ce qui en accentue diablement l’intérêt…

Un seul magasin à Vienne peut vous permettre de découvrir ce saké “made in Pélussin” : chez Lacto-vino, 1 rue des Orfèvres. Grand connaisseur du saké, son propriétaire, Camille Bouza est un passionné du Japon.

(*) Installé en Camargue, le second producteur français de saké, les frères Stéphane et Christophe Fernandez utilisent un riz japonais cultivé dans le delta du Rhône.

Photos : D. Largeron et « Les larmes du Levant »