« La Chute » qui sera jouée six fois (trois fois pour les scolaires) et trois pour le public et les abonnés du théâtre François Ponsard à Vienne est la 2ème création cette saison de Michel Belletante au théâtre François Ponsard.

Ce n’est pas la moins ambitieuse, ni la moins « casse-gueule » !

Imaginez un long soliloque d’un acteur de plus d’une heure et demi, autour d’un texte certes magnifique, signé Albert Camus, mais aussi difficile et complexe.

Et pourtant !

Mettre ainsi en scène dans un décor presque exclusif (un bar d’Amsterdam), de plain pied devant le public, pas sur la scène, sauf sur la fin de manière plus ténue, dans une chambre à coucher.

Il ne faut pas manquer d’idées de mise en scène pour faire vivre de la sorte le texte dans ces conditions fort contraintes. Et manifestement Michel Belletante en a à foison, avec l’aide entre autres d’une bande vidéo qui s’invite toujours à propos. Seul bémol : c’est un peu trop long, même si Michel Belletante a dû beaucoup élaguer pour ne garder que l’essence du texte de Camus.

Mais il faut bien reconnaître que le directeur du théâtre François Ponsard réussit à rendre ce texte très vivant. Il est vrai aussi qu’il peut s’appuyer sur un acteur solide, Philippe Nesme qui effectue là une vraie performance en étant seul en scène pendant plus d’une heure et demie.

Ce n’est d’ailleurs sans doute pas un hasard si la « générale » (dernière répétition) s’est déroulée à deux jours près le jour anniversaire de la mort d’Albert Camus dont la vie a basculé définitivement il y a plus de soixante ans dans une Facel Vega qui s’est enroulée autour d’un platane. Camus ne pouvait mieux mettre en scène le tragique de l’existence qu’il a voulu décrire dans son œuvre.

Ce texte est en tout cas le plus autobiographique de ses romans.

Camus y dresse l’état des lieux de “ l’homme occidental moderne ” égoïste, vivant dans le divertissement, coupé des notions de justice et de responsabilité.

C’est aussi une pièce sur la culpabilité. Jean-Baptiste Clamence, un ex-avocat brillamment interprété donc par Philippe Nesme qui se réfugie dans l’alcool … se confie à un inconnu, dans un bar d’Amsterdam : il raconte qu’il n’a pas bougé le petit doigt, ni alerté qui que ce soit lorsqu’une femme s’est jetée à l’eau d’un pont à 50 m de lui. Une ombre qui le poursuit…

C’est donc une réflexion sur notre société et son individualisme exacerbé, mettant en évidence la responsabilité de tous et de chacun dans le désordre de l’humanité.

Un propos en tout cas incroyablement actuel. Les lycéens de 1ère et de terminale qui doivent venir en nombre voir cette pièce (trois séances) devraient trouver matière à disserter longuement : Camus est au programme de français et de philo…

-« La Chute » d’Albert Camus au théâtre François Ponsard à Vienne avec Philippe Nesme, mise en scène de Michel Belletante : jeudi 11 janvier, vendredi 12 janvier et samedi 13 janvier à 20 h 30. Musique de Patrick Najean, création vidéo Benjamin Nesme. Durée : 1 h 45.